Présentation

Je regarde le mur.

Prendre une inspiration.

Une bouffée d’air bien profonde.
Les mains à plat, contre la table.

Ne plus bouger.

S’engager dans cette opération délicate consistant à définir les grandes lignes de son propre parcours artistique relève de la gageure, de la voltige sans filet, voire même de la grande aventure. Commencer par déplier la carte et l’épingler carrément au mur. La parsemer alors de tout un tas de petits drapeaux afin de baliser méthodiquement le chemin accompli jusqu’à ce jour. C’est une enquête qui commence. Retrouver les parfums, les odeurs des collines traversées, le bruit du vent, les traces de pas dans la neige. Faire des listes de mots. De noms propres. Suivre le fil. Ne pas se perdre dans les fourrés ni glisser dans les fondrières. Tenter au maximum de tracer des lignes précises, même si elles ne sont pas forcément droites. Entourer au feutre rouge le nom des étapes cruciales et souligner deux fois le patronyme des bateliers m’ayant aidé à traverser de nuit comme de jour les nombreuses vallées en crue. Se remémorer des moments clés, sérier les enthousiasmes ou les ardeurs, puis essayer d’identifier les erreurs d’azimut et définir le plus précisément possible les axes principaux empruntés tout le long des grandes plaines. Marquer les passages à gué et localiser les principaux chenaux par lesquels le hasard ou l’inconscience m’auront permis de cheminer d’un territoire à l’autre. Délimiter les frontières capitales et se souvenir des paysages parcourus.

Relier.

Jeter un regard rétrospectif sur ces différentes étapes et tenter, in fine, de ne pas se changer en statue de sel.